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jeudi 7 avril 2011

Né de la boue : le bogolan

 L'Afrique offre mille et un trésors textiles dont le bogolan est un exemple. Il perpétue un artisanat authentique. Le bogolan résulte  d'un judicieux équilibre entre l'homme et la nature. J'aime la texture rêche du bogolan, ses irrégularités, sa sobriété. Ce tissu entre les doigts vous transmet l'aridité du climat, la rudesse de la vie, la présence du soleil, et le lien avec une nature à la fois sauvage et en même temps maitrisée par l'homme.  La machine, la mondialisation, l'industrie sont des mots  sans âme  en face d'un pagne en Bogolan.

Le bogolan est un  technique de teinture  qui s'est développée au Mali , dans la région au Burkina Faso et en Guinée. L'étymologie est une définition  en elle même  puisqu'en langue Bambara  bogo signifie la terre et lan  signifie avec.
C'est un artisanat local  cars tous les ingrédients nécessaires à cette fabrication sont issus de la région  : une terre très colorée, une eau parfaitement adaptée et un savoir faire qui se transmet de génération en génération depuis des siècles. On raconte que le bogolan est né d'un incident domestique : une femme ayant taché son vêtement avec de la terre essaya sans succès de faire disparaître la tache. C'est alors  que  la population pris conscience que cette terre était recelait un trésor : la teinture. A partir de ce constat, le bogolan se développa et s'enrichit de nouveaux motifs.
Le coton  est  filé manuellement. Ensuite le fil  tissé en bandes étroites qui seront  cousues les unes aux autres.  La surface textile obtenue  encore blanche ou crème   est plongé dans un bain composé d'eau et décoction de feuilles, de racine, de plantes. Le tissu prend alors une teinte jaunâtre.  Les panneaux sèchent sous les rayons du soleil généreux d'Afrique. Maintenant l'artisan va commencer la décoration   .  L'envers sera toujours uni  et brun jaune, car seul l'endroit sera "travaillé.

Comme vous pouvez le voir sur cette photo, les bandes de coton sont étroites et afin d'obtenir une pièce de tissu assez large pour servir de tenture, de tapis ou de pagne elles sont cousues grossièrement les unes aux autres. Pourquoi une   couture lâche, et les grands points ? Pour éviter de rigidifier la pièce de tissu.

Les instruments sont rudimentaires  :  tige en bois,  ou en métal et teinture et bien entendu le savoir faire. Ce travail artisanal est généralement réservé aux femmes âgées ne pouvant plus se consacrer aux travaux réclamant une force physique , aux plus jeunes lors de la saison sèche et aux autres femmes lors de leur temps libre. Elles fabriquent alors des vêtements pour la communauté trousseaux de mariage, pagnes, pantalons, tenues de chasse, de travail ou de parade. A l'origine chaque tenue, de par ses motifs et ses coloris, était vouée à un usage particulier. Les signes reproduits détenaient une signification symbolique précise. Actuellement, les signes ne véhiculent plus aucune  charge symbolique et  ils sont purement graphiques.



Filage et tissage
Le coton. Plante d'origine tropicale, de la famille de malvacés, dont le fruit en forme de capsule  contient de nombreuses graines recouvertes de duvet d'où est tirée la fibre textile. Il requiert un climat chaud, beaucoup d'eau durant la pousse et un climat sec au moment de la maturation des fruits et de la cueillette.
Le filage. Une fois ramassé, le coton doit être filé. Ce travail est réservé aux femmes. A l'aide d'un fuseau, la fileuse, assise par terre tord et étire le coton entre ses doigts. Par un mouvement répétitif de la main, elle fait tourner le fuseau tout en lui donnant une impulsion afin d'enrouler le fil autour d'un bâtonnet en bois.
Si les motifs sont réalisés par les femmes, seuls les hommes sont habilités à tisser
sur des métiers horizontaux à   deux rangs de lisses et de pédales . Ils travaillent en groupe, dehors, sur la voie publique.
Actionnant avec leurs pieds tour à tour à tour les deux pédales, les tisserands entrecroisent, dans un mouvement perpétuel, les fils de la chaîne et de la trame. Au fur et à mesure de sa réalisation, la bande tissée est enroulée autour d'un bâton situé au niveau de la poitrine de l'artisan.
Etoffe et teinture
La bande ininterrompue de cotonnade blanche tissée mesure vingt sept mètres de longueur pour une largeur d'une douzaine de centimètres. Pour la confection de vêtements, plusieurs bandes sont coupées et assemblées entre elles. La couture se fait généralement à la main, le point est lâche afin de ne pas rigidifier le tissu.
Cette technique d'impression nécessite plusieurs étapes. La cotonnade blanche tissée est plongée dans une teinture végétale, le plus fréquemment dans une décoction de n'galaina (feuille de l'arbre anogeissus leiocarpus) afin de donner une coloration de base et de permettre par réaction chimique la fixation des autres couleurs. Le tissu est ensuite exposé au soleil, l'action de ses rayons renforce la teinte jaune obtenue par ce premier bain de trempage. Le support est prêt à recevoir le dessin. La " bogolaniste " applique alors de la boue provenant des marigots ou dans le Niger et qui a fermentée   dans une jarre. Parfois de vieux clous favorisant l'oxydation y sont ajoutés. La femme trace des motifs à l'argile sans dessin préliminaire, elle traite ainsi le fond par un travail en négatif, dit en " réserve ". Les dessins se font à main levée grâce à des traces lignes (kalama) plus ou moins fins, des spatules en métal, des branches , des plumes.   Après un séchage de l'étoffe au soleil, cette dernière est soigneusement lavée afin d'enlever l'excédent de boue. Le dessin apparaît à cette étape en noir sur un fond ocre jaune. La réaction chimique entre la boue et la décoction  rend la teinte noire indélébile. Sur cette base,  il est plus facile d'éclaircir certaines parties par l'action d'un savon corrosif ( savon de Sodani). Les teintures successives peuvent être fixées par des détergents ou des fixatifs végétaux( les feuilles et les fruits du tamarinier fixent le noir et l'ocre jaune. Mais le lavage et le séchage peuvent aussi fixer les couleurs . Il est possible de  jouer sur l'intensité des colorants en rinçant plus ou moins le tissu avant de le laisser sécher au soleil.  
Le pagne traditionnel
Le pagne est un vêtement traditionnel féminin. La femme le porte enroulé autour d'elle, sans système de fermeture  . Elle  croise le côté droit sur le côté gauche.Le pagne traditionnel est composé en général de sept bandes cousues entre elles (le taafé en bambara). Chaque signe dessiné sur le pagne détient une signification. Juxtaposés à d'autres signes et selon leur place dans la composition générale, les motifs, chargés de messages offrent le récit d'événements réels et mythiques. Les signes deviennent alors écriture pour ceux qui savent les déchiffrer. Les histoires reproduites sur le pagne en bogolan protègent la femme qui le revêt. Chaque femme en possède plusieurs, portés selon leurs significations à des moments particuliers de sa vie d'épouse ou de mère
Les pagnes traditionnels réalisés par des artisans qui maitrisent à la fois la technique et le décodage des signes sont de plus en plus rares. Aujourd'hui les bogolans deviennent des pièces uniques destinées à la décoration, et les artisans des artistes qui maitrisent la technique de base mais qui laissent leur imagination s'écrire sur le tissu.


1 commentaire:

  1. Bonjour, Merci pour votre blog très intéressant. J'ai hérité d'une tenture bogolan qui doit dater des années 60. Sauriez-vous comment la nettoyer sans abimer les pigments (il y a des parties jaunies). Merci !

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